Race, une autre pièce « coup de poing » de David Mamet

Cette fois-ci, c’est au théâtre Jean-Duceppe de livrer sur ses planches une pièce de l’écrivain américain à succès David Mamet. La pièce choisie par la metteure en scène Martine Beaulne, Race, est une œuvre présentant des thèmes qui dérangent et sur lesquels on n’ose pas s’interroger. Fidèle à lui-même avec un texte puissant, l’auteur nous confronte à nos préjugés et notre hypocrisie envers les autres et envers nous-mêmes.

Jack Lawson et Henry Brown, deux avocats, dont le premier est blanc et le second noir, doivent défendre malgré eux Charles Strickland, un homme blanc et fortuné accusé d’avoir violé une femme noire. Ils devront user de toutes les ruses et de toute leur force de persuasion pour éviter la condamnation et l’humiliation de leur client. Dans cette tentative désespérée, les deux hommes font rejaillir les contradictions d’une société où la discrimination sous toutes ses formes (Noirs et Blancs, pauvres et riches, hommes et femmes) est toujours présente. Au-delà de la question du racisme, la pièce pose un regard critique sur le milieu de la justice où le souci de la vérité n’est guère de mise.

Crédit photo : Caroline Laberge

Crédit photo : Caroline Laberge

On reconnaît bien là le sens aigu du dialogue de Mamet (très bien traduit par Maryse Warda). Les discussions, toujours aussi cyniques, ont un impact manifeste sur le public. Mamet maitrise très bien la logique du langage: les joutes verbales sont fluides et le dialogue, moins vulgaire que dans sa pièce Glengarry Glen Ross, a l’air très naturel. Comme il y a très peu d’action et que l’accent est mis sur le dialogue, la pièce pourrait comporter quelques longueurs pour certains. Or, le suspense et la tension toujours palpable entre les personnages évitent le basculement de la pièce dans le seul discours philosophique. Benoit Gouin en Jack Lawson est très bon et, par son énergie, le plus remarquable de tous. Il ajoute une touche d’humour à la pièce et vient réveiller ceux qui trouveraient le temps un peu long! Son acolyte Henry Brown est aussi bien servi par Frédéric Pierre et Henri Chassé joue un accusé très convaincant. Seule Myriam de Verger, en avocate stagiaire prénommée Susan, reste dans l’ombre et n’arrive pas à briller aux côtés de ses partenaires masculins. Très simple, le décor laisse toute la place aux personnages. Les costumes créent bien la distinction entre les avocats, tous vêtus de noir, et l’accusé en habit très pâle. Par ailleurs, le manteau rouge flamboyant porté par l’avocate Susan à la fin est fortement symbolique par rapport au dénouement inattendu de la pièce.

Tout en posant un regard lucide et criant de vérité sur la société américaine contemporaine, pendant une petite heure et demie, Race démontre hors de tout doute le pouvoir du langage. Une pièce bien réussie dont on ressort pour le moins ébranlé!

Auteure : Anne-Marie Soucy

Crédit photo image de garde : Caroline Laberge

Théâtre Duceppe, Place des Arts, Montréal

Du 17 février au 26 mars 2016

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