Glengarry Glen Ross : Une foire d’empoigne à saveur capitaliste

Pour le mois de la Saint-Valentin, le Théâtre du Rideau Vert nous propose un grand classique du théâtre américain: Glengarry Glen Ross, qui nous trace un portrait saisissant de l’Amérique des années ’80 et d’un capitalisme outrancier. Adaptée par Denis Bouchard et mise en scène par Frédéric Blanchette, la pièce nous plonge dans un univers d’hommes, celui de la vente immobilière, dans le North Side de Chicago, au moment où le libéralisme économique est à son apogée. Quatre agents immobiliers doivent vendre à tout prix, afin de ne pas se faire congédier, d’être le premier sur le tableau des ventes et de gagner la Cadillac promise. La compétition est ouverte entre jeunes et vieux qui sont prêts à utiliser tous les moyens pour garder leur place. Vols, mensonges et manipulations y sont monnaie courante. Ce milieu très dur, où la morale n’a pas sa place, est connu du dramaturge David Mamet qui s’est inspiré de sa propre expérience dans le milieu immobilier pour écrire son texte. Bien que les faits remontent à plus de trente ans, l’œuvre est envisagée de manière très actuelle par Blanchette et Bouchard. Dans notre monde où les inégalités sociales sont plus présentes que jamais, le spectacle nous dévoile de façon percutante le pouvoir de l’argent et la cupidité humaine.

© François Laplante-Delagrave

© François Laplante-Delagrave

La distribution totalement masculine est admirable. Denis Bouchard dans le rôle de Shelly, ancien numéro un des ventes, est excellent. Il est certainement le plus hilarant de tous. Éric Bruneau brille dans le rôle de Roma, vendeur cynique et manipulateur. Il est très à l’aise dans ce personnage, devenu numéro un des ventes. Fabien Cloutier, en Moss enragé, Mani Soleymanlou, dans la peau d’un Aaronow anxieux, et Renaud Paradis, le chef tyrannique, sont aussi remarquables. Les personnages secondaires sont interprétés brillamment par Luc Bourgeois, Frédéric-Antoine Guimond et Sébastien Rajotte. Le langage est très cru, voire vulgaire, ce qui est propre à l’esthétique de Mamet. Les personnages ne cessent de s’insulter les uns les autres (oreilles sensibles, s’abstenir!). Le dialogue, bien que parsemé de jurons (un peu trop, peut-être…) est très précis et très bien ficelé. On retrouve de très belles joutes verbales. Il y a aussi de beaux moments de théâtre, comme la scène où Roma et Shelly montent tout un bateau afin de berner un client. Alternant entre le bureau des ventes et le restaurant d’à côté, le décor est très réussi et agréablement accompagné d’une musique jazz.

 

Malgré la violence qui se dégage de l’action par la façon dont les gagnants écrasent les perdants, le rire est maintes fois au rendez-vous. La pièce, très courte, passe comme un coup de vent. Le suspense suffit à nous tenir éveillé et on ne s’ennuie pas une seconde. Très bonne performance théâtrale à voir pour s’amuser, mais également pour réfléchir aux conséquences du capitalisme qui peut transformer les hommes en des êtres parfois pires que des bêtes!

Auteure : Anne-Marie Soucy

Image de garde : © François Laplante-Delagrave

Au Théâtre du Rideau Vert, Du 2 au 27 février 2016

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